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Discours d’Olivier Faure du Conseil national du 24 octobre 2020

Seul le prononcé fait foi.

Chers Camarades,

Notre pays traverse une période difficile, parfois tragique, affrontant tour à tour, et parfois en même temps, les périls sanitaires, les menaces terroristes et le retour d’une misère inédite dans certaines parties de notre territoire sous l’effet de la crise économique et sociale. Une telle période est lourde de dangers et pétrie de souffrance pour nombre de nos concitoyens. Mais cette étape délicate peut être franchie ; nous pouvons relever les défis qu’elle nous pose si nous savons faire preuve tout à la fois de réalisme et de fidélité à nos valeurs.

Je ne voudrais pas ici me payer de mots. L’heure n’est plus à faire des phrases mais à clarifier les enjeux.

Vendredi 16 octobre, un homme est mort.
Un enseignant a été décapité.
Assassiné parce qu’il enseignait la liberté.

Ce crime ne relève pas de la catégorie des faits divers. C’est un attentat politique.
C’est l’école de la République qui était visée. Et à travers l’école c’est l’accès à la connaissance, c’est l’esprit critique, la pensée libre qui étaient ciblés et Samuel Paty en fut la victime expiatoire.
J’ai entendu la formule de Robert Badinter reprise par le chef de l’État, donnant le titre de « héros tranquille » à Samuel Paty. J’en comprends évidemment le sens et rétrospectivement, héros, il l’est devenu.
Mais le caractère héroïque laisse penser qu’il était un enseignant d’exception alors qu’il assumait sa mission comme des milliers d’autres professeurs d’histoire-géographie. Et c’est précisément parce qu’il était un professeur comme les autres qu’il a été châtié. Comme exemple pour tous les autres. Massacré au nom d’un ordre qui se prétend supérieur, celui d’une version dégénérée de l’islam. Ceux qui ne peuvent convaincre par la raison cherchent toujours à s’imposer par la peur.

Cet attentat est singulier dans cette longue série qui a débuté en 2012 avec la mort des enfants de l’école juive Ozar Hatorah lâchement abattus par Mohamed Merah. Singulier parce que, pour la première fois, l’acte barbare n’est pas venu par surprise. Comme pour Charlie, l’Hyper Cacher, le Bataclan, Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray…
Non, cette fois, ils sont des centaines à l’avoir annoncé à travers un lynchage consciencieux sur les réseaux sociaux. Consciemment ou inconsciemment.

Bien entendu, j’ose espérer que la majorité de ceux qui ont participé à cette curée n’imaginaient pas l’aboutissement tragique. Mais ils furent tous ensemble cette foule qui légitime et encourage le passage à l’acte des esprits les plus fragiles. Par leurs mots, ils ont participé à la confusion mentale de ce jeune barbare qui s’imaginait leur héros.
Les loups ne sont jamais solitaires. Et lorsqu’ils quittent le confort de la meute, c’est pour tuer.

Et c’est pourquoi il ne doit plus être toléré qu’un professeur puisse être contesté pour le contenu de son enseignement. Les sciences ne sont pas une option. L’éducation sexuelle n’est pas une option. Le sport n’est pas une option. L’histoire n’est pas une option. L’éducation civique n’est pas une option !

Au cours du mandat précédent, beaucoup a été fait pour renforcer l’arsenal pour lutter contre les terroristes. Mais c’est la leçon de Conflans, c’est toute la chaîne idéologique qui conduit au séparatisme et, dans le pire des cas, au terrorisme, qui doit être traitée.

Les parents ne doivent pas être exclus de l’école. Le lien parents- enseignants est l’une des clés de la réussite des enfants qui présentent le plus de difficultés. Mais chacun à sa place ! Et ceux qui livrent les maîtres à la vindicte doivent être poursuivis systématiquement devant la justice !

Il n’y aura aucun « accommodement raisonnable » avec les forces qui menacent les enseignants et les journalistes, qui contestent l’autorité de la loi républicaine dans les hôpitaux, qui veulent séparer les hommes et les femmes dans les piscines, qui pratiquent les mariages forcés et l’excision sur notre sol. Il ne doit y avoir aucun doute sur la norme sociale et politique applicable. Il importe prioritairement de rétablir la clarté de la loi : respect des programmes scolaires, respect de l’égalité hommes-femmes, neutralité confessionnelle de l’État et des services publics, rôle central de la culture.

Parce que l’école est le lieu qui échappe à toute transcendance, l’islamisme radical l’a depuis longtemps identifiée comme cible prioritaire.
Parce que l’islamisme radical est un totalitarisme, il ne peut accepter des esprits en dialogue.
L’école apprend à se méfier de l’homme d’un seul livre.
L’islamisme radical élimine jusqu’à ceux qui partagent le même livre, mais qui refusent son interprétation fanatique.
L’école conduit chaque enfant à penser par lui-même. À choisir sa voie par lui-même.
L’islamisme radical est un renoncement à tout libre arbitre.

Et nous, socialistes, nous sommes le parti de l’école. Le parti de la liberté de conscience. Le parti de l’émancipation. Le parti de la laïcité.

Le socialisme français a parcouru un long chemin. Il représente une longue et belle aventure politique, sociale et culturelle, nourrie de la Révolution de 1789 et du mouvement ouvrier, de la passion pour la justice sociale et du respect farouche pour les libertés politiques et la démocratie. C’est ce qui nous a distingués et préservés des aventures totalitaires.

Et c’est pourquoi nous devons être, nous sommes au premier rang du combat contre cet obscurantisme. Aucune bienveillance ne saurait être accordée à ceux qui rêvent de détruire ce que nous avons eu tant de mal à conquérir : notre liberté.
Aucune indulgence vis-à-vis de ceux qui se comportent en créanciers de la République, qui cherchent à retourner nos valeurs contre nous, alors même que leur projet est la négation de l’idéal républicain !

C’est pour cette raison que nous n’avons pas défilé il y a un an à l’appel d’organisations et de personnalités qui contestent nos lois laïques et placent leur foi au dessus de la loi.

C’est pour cela que nous sommes avec Mila contre ceux qui lui promettent le viol et la mort. Aucune opinion ne justifie l’appel au meurtre !

Cet ADN, nous le partageons avec toute la gauche et c’est pourquoi, depuis longtemps, nous appelons chacun à sortir de toute ambiguïté, à n’accepter aucun accommodement contre nos principes.

Les phrases limpides de Jaurès dans son célèbre dialogue avec Paul Lafargue en 1894 me reviennent aujourd’hui lorsque j’entends certains esquiver le débat sur l’islamisme politique, en se livrant à de laborieuses analyses paléo-marxistes sur les conditions de vie dans les quartiers populaires.

Je cite Jaurès :
« Marx dit : (…) il n’y a dans toute la vie, même intellectuelle et morale de l’humanité, qu’un reflet des phénomènes économiques dans le cerveau humain. » Eh bien ! je l’accepte. Oui, (…) mais il y a en même temps le cerveau humain, il y a par conséquent la préformation cérébrale de l’humanité. (…) »

Comme si la pauvreté pouvait expliquer qu’on décapite un professeur ! Comme si l’islam politique se confondait avec l’islam tout court ! Comme si l’idéologie des princes saoudiens était celle des pauvres ! Quelle insulte faite à l’intelligence ! Et quel mépris de classe, au fond, pour des catégories populaires qui seraient dépourvues de raison et promptes à se laisser berner par tous les marchands de « superstitions » comme on disait jadis…

Par quelle aberration la complaisance avec l’islamisme protègerait les musulmans qui vivent leur religion dans un esprit de paix ? Par quel absurdité laisserions-nous assimiler les croyants aux fanatiques ?

Avec Jaurès, nous devons demeurer optimistes et je complète sa citation : « Dès le début de la vie, à côté de l’égoïsme brutal, on trouve ce sentiment préparant la réconciliation fraternelle de tous les hommes après les séculaires combats. »

Mais cet optimisme doit demeurer celui de la volonté, pas celui de la naïveté.

La mort de Samuel Paty doit être un tournant. Celui de l’unité retrouvée de la gauche et des écologistes autour des valeurs de la République. Samuel Paty ne doit pas avoir été massacré pour rien.
Et je le dis aussi : si nous ne partageons pas cette volonté commune de défendre la République et ses valeurs universelles, alors il n’y aura pas d’unité.

Au cours de ces derniers jours, la gauche a donc été rappelée à l’ordre. C’était juste de le faire. Mais il faut balayer devant toutes les portes.
Et puisque personne ne le fait, je m’y livre.

Il faut se battre contre le séparatisme islamiste. Mais la meilleure façon de le vaincre c’est de montrer que la République n’est pas hémiplégique. Tous les prêcheurs de haine doivent être interdits. Un poids, une mesure !

Combien de temps encore sera-t-il toléré qu’un pamphlétaire, multirécidiviste de la condamnation pour discrimination et haine à l’égard de la communauté musulmane et sa religion, continue d’avoir pignon et écran sur rue ?
Tous les séparatismes se nourrissent les uns des autres. Ils se justifient les uns par les autres. Et au fond, ils poursuivent le même projet. Celui de l’affrontement et du développement séparé.

Nous sommes au bord de la fracture.

Cette fracture a des causes idéologiques.
Elle a aussi des causes sociales qui, comme je viens de le dire, ne justifient rien, ne relativisent rien, mais que nous devons prendre en compte si nous voulons une victoire durable.

Les rabatteurs du califat ont depuis longtemps repéré leurs proies. Ils savent que les inégalités territoriales, les injustices sociales, les discriminations sont un terreau fertile sur lequel poussent les rancœurs.

Le racisme doit être combattu comme jamais. Partout.

Il faut que chaque enfant de France, quels que soient son origine, son statut, sa religion, sache qu’il demeure un projet pour la République.

Il faut être implacable avec l’islamisme radical, mais l’être tout autant avec ses causes. Traiter les symptômes du mal et les racines du mal.

Les zones de relégations sociales mitent notre espace commun. Dans trop de quartiers, mais aussi dans les campagnes, la République a déserté. Les services publics paupérisés ne peuvent plus remplir leur mission émancipatrice malgré le dévouement sans faille et souvent héroïque des fonctionnaires ; ces fonctionnaires qu’il est de bon ton, à droite, de couvrir d’injures et de soupçons insultants.

La stigmatisation des Français issus de l’immigration, la confusion entretenue entre islamisme et islam, la mise en cause de tout regroupement affinitaire, le soupçon autour de tout attachement à une culture d’origine, sont puissamment contreproductifs.

Il ne faut pas confondre l’agitation avec l’action. Le ministre de l’Intérieur, qui a pour principale obsession d’occuper les écrans, illustre avec brio cette confusion. Le voilà qui nous donne son avis sur les rayons des supermarchés. À expliquer dans un raccourci saisissant que manger halal conduit au communautarisme et, si on suit le fil de sa pensée, il y a là un premier pas vers le séparatisme précédant lui-même le terrorisme. Le même qui – il y a quelques années – plaidait pour un nouveau concordat avec, cette fois, la religion musulmane. Le même qui avait accompagné Nicolas Sarkozy dans son rapprochement avec l’UOIF.

Gérald Darmanin, puisque c’est de lui dont nous parlons, entend, paraît- il, durcir à nouveau les règles du droit d’asile que son gouvernement a déjà durcies il y a deux ans.
Par quel raisonnement peut-on, au nom de la défense du droit, que nous croyons universel, à la liberté d’expression, peut-on en arriver à refuser l’accueil des combattants de la liberté et des victimes de régimes totalitaires ?

Pour être entendus il faut être cohérents. Et aucune victoire contre l’islamisme radical sans fidélité à nos valeurs.

Le rétablissement de l’« ordre républicain », dont certains ont la bouche pleine, ne saurait se résumer exclusivement à une politique répressive. Cet « ordre républicain » est celui d’une République hémiplégique.
Une telle vision oublie la dimension protectrice et intégratrice de la République. Elle oublie le beau nom de « service public » et l’impératif de justice sociale.

La République, celle pour laquelle tant de Français se sont battus et que le peuple a conquis de haute lutte, c’est celle de l’éducation nationale, de l’instruction laïque et obligatoire, de la santé pour tous et de l’hôpital public, de la justice fiscale et sociale, de la démocratie… Dans un monde ravagé par les inégalités, supprimer l’ISF est d’ailleurs une faute, encore plus qu’une erreur, qu’il faudra réparer le plus tôt possible.

Oui. La République doit revenir partout en France, dans les moindres rues, dans les campagnes les plus isolées. Mais une République fidèle à elle-même ; pas une République défigurée par la peur.

Pour être elle-même, la République doit être démocratique : respecter le Parlement et le suffrage universel.

Sans chercher à tout confondre, je veux rappeler que la démocratie est au rang des activités essentielles. Pas moins que l’activité économique qu’il faut maintenir autant qu’il est possible. Pas moins que les écoles qui doivent rester ouvertes

Rien n’autorise à la mettre en sommeil.

Et lorsque j’entends certains messagers du pouvoir actuel expliquer sans fard comment ils entendent contourner le prochain rendez-vous électoral pour le renvoyer au lendemain des présidentielles, je m’inquiète et j’alerte.

Certes, il faut tenir compte de la diffusion du virus. La santé de toutes et tous doit demeurer notre priorité. C’est notre point de vue constant.

Et s’il faut déplacer les élections régionales et départementales pour éviter la période hivernale qui est aussi celle de toutes les épidémies, nous en sommes d’accord.
Mais il faut que tout soit sur la table. Qu’une date butoir soit fixée. La COVID ne doit pas devenir le paravent des convenances personnelles et électorales du chef de l’État. Partout dans le monde les élections se tiennent. Dans quelques jours, les Américains éliront leurs députés, leurs sénateurs, leurs gouverneurs, leurs shérifs, leurs juges alors qu’ils vivent un pic de contagion.

Nous devons adapter les campagnes, aller vers des solutions qui permettent le vote à distance, faire évoluer les documents qui accompagnent les professions de foi des candidats, négocier avec le service public audiovisuel des plages réservées au débat. Mais la démocratie ne doit pas s’interrompre.

Il faut du débat, il faut aussi de l’unité.

La crise sanitaire exige une réponse qui soit la plus partagée possible. Depuis le début de cette crise, pour des raisons qui me restent obscures, on improvise des réponses souvent contradictoires sans la concertation préalable qui éviterait les erreurs les plus grossières.

Depuis le début de la crise, je n’ai cessé, avec nos présidents de groupes parlementaires, de rappeler notre disponibilité pour que la solidarité nationale s’exerce sur la gestion de la crise sanitaire. Nous avons tout au plus eu droit à des simulacres de réunions où les scénarios de réponses à la pandémie ne sont jamais posés.

Le résultat, c’est l’échec du déconfinement. Un gouvernement qui ne débat qu’avec lui-même et qui ne fédère pas autour de solutions qui puissent être partagées par les Français.

Le résultat, c’est un gouvernement tétanisé par les réactions de l’opinion et ce sont des mesures insuffisantes qui viennent toujours trop tard.

—-

Voilà, chers camarades, ma vision, notre vision de la République.

Intransigeance sur nos valeurs.
Respect absolu de la démocratie.
Unité chaque fois que l’essentiel est en jeu.

Le socialisme et la République, ce ne fut parfois qu’une formule dans la surchauffe des congrès et des arguments de tribune. Dans la France d’aujourd’hui, celle où des journalistes sont assassinés dans les locaux de leur journal, où un enseignant est décapité pour avoir fait son travail, elle ne saurait se limiter à un slogan. Elle doit être notre boussole, notre fil conducteur, et une exigence quotidienne pour tous les militants socialistes.

Au cœur de la République – et c’est l’un des endroits où elle croise le socialisme pour s’y vivifier et s’en nourrir – se trouve une ambition humaniste qui ne se confond pas avec la mièvrerie des bons sentiments, ou la bonne conscience. L’humanisme n’est pas un somnifère progressiste qu’on administre aux citoyens pour qu’ils dorment les yeux ouverts !

Il est temps que la France reprenne le chemin de l’histoire ; il est temps que les socialistes remontent dans le train de l’histoire pour l’empêcher d’achever sa course folle vers l’autoritarisme et la violence. « Nous sommes arrivés trop loin, nous avons trop sacrifié, pour ainsi dédaigner le futur » expliquait John F. Kennedy.

Dans ce train, les socialistes se rassembleront fraternellement sous leurs couleurs en cherchant, comme toujours, à travailler avec tous ceux pour qui le mot « progrès humain » a un sens. Les socialistes se montreront ouverts aux autres en restant fidèles à eux-mêmes. Car on ne peut aller vers autrui si on ne sait pas qui on est. « C’est au dedans de soi qu’il faut regarder dehors » disait Victor Hugo.

C’est la raison pour laquelle, en l’absence de congrès, je reviendrai devant vous dans quelques semaines pour vous soumettre la feuille de route de nos prochains mois.
Ces mois devront être ceux de l’affirmation d’un projet pour les Français et la base à partir de laquelle nous pourrons discuter d’un contrat de coalition avec nos partenaires.

Voilà, chers camarades, l’ajournement du processus de congrès ne conduira pas à mettre entre parenthèses notre travail, il va même conduire à ce que nous accélérions le rythme. L’objectif, c’est de répondre aux attentes, d’être prêts pour l’échéance décisive de 2022.

Plus que jamais ma conviction est faite.

Je ne crois pas seulement que notre espace est inoccupé. Ce serait une vision bien politicienne. Je crois qu’il y a nécessité à occuper cet espace de la République sociale et écologique pour tenir cet équilibre fragile sans lequel une société se fragmente.

C’est notre responsabilité, notre devoir, ce sera notre honneur !

Vive la gauche, vive la République et vive la France !

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