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Rentrée scolaire 2023 : « Monsieur le ministre, l’école publique n’a besoin ni de grandes déclarations, ni d’effets d’annonces sans lendemain »

Retrouvez la Tribune de Yannick Trigance, secrétaire national à l’éducation parue dans Le Monde le 31 août 2023

Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, dans quelques jours, ce sont près de 12 millions d’élèves qui retrouveront le chemin de leur école, collège et lycée. Lors de votre prise de fonction le 20 juillet et dans plusieurs articles de presse qui ont suivi, vous avez indiqué vos grandes priorités qui, au-delà du scepticisme et de l’inquiétude, nécessitent des actes volontaristes et concret
« Garantir que chaque élève, chaque jour de l’année, aura un professeur face à lui. » 

Voilà une noble et juste cause. Encore faudrait-il que vous vous en donniez les moyens. Vous le savez, plus de deux mille postes, à cette heure, ne sont toujours pas pourvus, ce qui posera immanquablement la question des remplacements. C’est ainsi que dans mon département de Seine-Saint-Denis, un rapport parlementaire signalait dès 2018 qu’un élève perd l’équivalent d’une année scolaire sur le temps de sa scolarité obligatoire faute de remplaçants.


Seulement 5,5 % au mois de septembre
Si cette situation n’est pas récente, elle relève grandement de l’échec du « choc d’attractivité » brandi par vos deux prédécesseurs et par le président de la République depuis 2017. Votre « revalorisation », le fameux dispositif « socle » et « pacte », s’est d’abord et avant tout traduit par un « travailler plus pour gagner plus » entaché du reniement de la promesse présidentielle d’augmenter immédiatement de 10 % tous les enseignants sans charge de travail supplémentaire.
Alors que les enseignants français sont ceux qui font le plus d’heures, devant les classes les plus chargées des pays de l’Union européenne, votre déclaration début août indiquant que « les revalorisations et le pacte enseignant, c’est 4 milliards d’euros en plus » peine à convaincre, quand dans les faits la hausse des salaires des enseignants sera seulement de 5,5 % au mois de septembre.
Et ça n’est pas le décret publié au Journal Officiel du 9 août dernier relatif aux remplacements des absences de courte durée dans le second degré qui améliorera la situation : ces remplacements pourront dorénavant être assurés par des assistants d’éducation – les AED – qui « superviseront des séquences pédagogiques » organisées au moyen « d’outils numériques » : la continuité pédagogique nouvelle version !
La réalité, c’est que moins d’un tiers des enseignants en poste ont à ce jour signé le « pacte » qui impose ces remplacements aux enseignants, que la rentrée prochaine n’échappera malheureusement pas aux milliers de postes vacants, et qu’un adulte devant chaque élève n’équivaut pas à un enseignant compétent et formé…


La marotte du port de l’uniforme
« Remettre le respect et l’autorité au cœur de l’école. » A l’instar du président de la République au sortir des événements survenus fin juin-début juillet [les émeutes en France faisant suite à la mort de Nahel M.], vous brandissez le slogan d’une « autorité » à replacer au cœur de l’école, sous-entendant au passage que les enseignants – encore eux ! – failliraient à cette mission, rengaine éculée dont se délectent à chaque instant la droite parlementaire et l’extrême droite
C’est d’ailleurs dans ce même esprit que vous relancez la marotte du port de l’uniforme, soutenu en cela par Brigitte Macron mais également par la droite et l’extrême droite – dont le maire de Béziers (Hérault) [Robert Ménard], dans une nostalgie récurrente et conservatrice d’une école qui en réalité n’a jamais existé, la blouse utilisée en son temps n’ayant jamais été assimilée à un « uniforme scolaire ».
Au-delà du fait que plusieurs expériences comme celle menée à Provins (Seine-et-Marne) de 2018 à 2020 ont été très peu concluantes, rien n’empêche tout établissement scolaire d’inscrire le port d’un uniforme dans son règlement intérieur.
Faire porter sur l’école la question de la « perte de l’autorité », c’est non seulement bien mal connaître le fonctionnement de la classe, mais c’est aussi renvoyer l’image d’équipes éducatives incapables de transmettre à nos élèves les valeurs de respect, de fraternité et de tolérance.


Dévalorisés, maltraités, désabusés
Alors qu’ils sont pour le moins dévalorisés, maltraités, désabusés sans pourtant jamais renoncer à faire réussir tous leurs élèves, il conviendrait plutôt de remettre les enseignants au cœur de notre système éducatif en les écoutant, en les respectant et en les revalorisant réellement sans mission supplémentaire, urgence autrement brûlante que celle de l’autorité et du port de l’uniforme.
« Je veux faire de l’école un lieu où chaque enfant peut être heureux. »Oui, monsieur le ministre, voilà une belle et grande ambition à partager et à faire partager ! Et c’est possible en mettant fin au démantèlement de l’école publique aggravé depuis 2017 : l’éducation doit être au centre de tout projet de société. Pour cela, donnez plus de moyens, en particulier là où il y en a le plus besoin.
Vous avez de surcroît une opportunité unique d’ici à 2027 avec la baisse de la démographie scolaire de 5,6 % dans le premier degré et de 1,38 % dans le second degré, soit près de 500 000 élèves de moins !
Vous le savez mieux que personne : le budget de l’éducation nationale ne peut ni ne doit rester sous l’emprise de Bercy. Oui, faites de l’école publique une véritable priorité, un lieu où les enfants seront heureux de venir apprendre dans de bonnes conditions !


Passer à une école de l’égalité réelle
Et le bonheur de tous les élèves à l’école, c’est bien évidemment aussi celui des enfants qui vivent dans nos quartiers « prioritaires » souvent évoqués lors des événements du début de l’été, et durant lesquels l’école a de nouveau été pointée comme le lieu central de l’acquisition des valeurs de la République.
Ces écoles qui aujourd’hui manquent tellement de remplaçants, d’enseignants spécialisés pour traiter la grande difficulté scolaire, de médecins, d’infirmières et de psychologues scolaires, d’accompagnants des élèves en situation de handicap, d’assistantes sociales et de dispositifs sportifs, culturels, linguistiques qui enrichissent les enseignements et montrent aux parents que l’école publique réunit pour leurs enfants les conditions permettant la démocratisation de la réussite et de l’excellence, y compris dans les quartiers les plus en difficultés.
Monsieur le ministre, l’école publique n’a besoin ni de grandes déclarations, ni d’effets d’annonces sans lendemain. Malmenée depuis 2017, elle souffre d’une dévalorisation et d’une déconsidération qui la fragilisent et la décrédibilisent.
L’enjeu pour votre première rentrée scolaire, c’est de montrer votre volonté de passer d’une politique éducative néolibérale fondée sur la compétition, sur l’individualisme et sur l’entre-soi à une école de l’égalité réelle, de l’altérité et de l’émancipation pour toute notre jeunesse, partout sur le territoire de la République.
En actes et non en slogans.

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